On peut être frappé par l'harmonie minimaliste régnant dans le travail audio/visuel/interactif de servovalve sur Shockwave. La musique est minimale, les images le sont aussi. La musique, dit-il, est " électronique, rythmique, énergique, atmosphérique, horlogique (connectée au temps donné par l'horloge de l'ordinateur), méta-lithurgique... subambiante... neurodance..." ; et les visuels, posés sur fond noir, tirent leur énergie non pas de l'ornement mais de leur interaction avec la musique, et de leurs transformations et mouvements programmés/contrôlés.

servovalve fait aussi des concerts avec/de son travail. Son implication dans ses concerts explique en partie l'énergie de ce travail. Il est un des très rares musiciens-artistes-programmeurs travaillant sérieusement sur le web et faisant des performances live... et des CD-ROMs: six sont listés sur son site. Il a également une page sur laquelle on peut télécharger des MP3 pour se faire une idée de ses productions musicales.

servovalve ne se considère pas comme un programmeur, mais en regardant ses travaux et en écoutant les intéressantes synchronisations entre le son et les visuels, vous constatez que son "lingo graphique" (travail du bitmap en temps réel), est d'un très bon niveau, ainsi que son aptitude à synchroniser les éléments audio et visuels obligatoirement séparés. Voici ce qu'il dit :

" Je ne suis pas vraiment programmeur... peut-être que je le deviens... progressivement... J'ai d'abord étudié les arts graphiques et la communication visuelle. Tout cela teinté par l'influence de la musique... Ma curiosité concernant la combinaison de ces disciplines m'a poussé à m'intéresser à la programmation. Au début, ça n'était pas facile... je n'ai pas un esprit scientifique... J'ai commencé à utiliser Director comme animateur (score horizontal). Puis pas à pas, avec l'aide/échange venant de personnes telles que J-L.Lamarque, O.Koechlin, et A.Schmitt, les choses sont devenues plus limpides... Cela m'a ouvert un immense/infini horizon d'exploration. Progressivement, la structure de mes scénarios/scores se verticalise."

"Progressivement, la structure de mes scénarios/scores se verticalise".... très intéressante remarque. L'animation/movie se résume à un score/séquenceur constitué de frames/étapes, comme un film... Chaque frame acccepte de nombreuses pistes, comme une partition musicale. Les personnes ne sachant pas programmer réalisent des scores plutôt longs, comme l'élaboration d'un film. Les programmeurs lingo tendront à construire un seul frame contenant les mouvements et animations controlés par la programmation. Ils subordonnent le modèle du film à celui de l'organigramme, qui est essentiellement horizontal plutôt que vertical. Le scénario est plus court, et plus profond.

servovalve, contrairement à ses humbles propos, programme très bien et, qui plus est, comprend l'utilisation et l'importance du code dans son art et ne s'effraie pas d'en apprendre toujours davantage... On peut voir cela dans son travail. Si vous êtes familier avec d'autres travaux sur Shockwave utilisant un code similaire, vous constaterez que la signification du mouvement et de la représentation graphique est parfois simpliste comparée à l'intelligent sens de la mesure de servovalve dans son travail. Alors que certains travaux se contentent d'accumuler bruits, mouvements, interactivité et contemplation... de son côté, servovalve dépouille son travail jusqu'à l'os, n'y laissant que le mouvement et le son les plus importants/explicites.

Prenez par exemple une pièce de son CD n-gone appelée "ligne de ville". C'est une de mes pièces préférées. Eteignez la lumière, mettez plein écran et augmentez le volume sonore. Le son de ce module consiste en une boucle mise en fond ; avec le changement de graphisme on entend une ou plusieurs différentes notes pures qui se mettent à jouer. C'est plutôt une pièce d'ordre cosmique, suggérant l'architecture d'une voûte céleste... ou l'ossature structurelle de notre propre destinée...

Ici la programmation n'est pas évidente. Les transformations visuellles ne se génèrent pas si aisément; de plus celles-ci transforment conceptuellement la voûte céleste en... disons autre chose. Quelque chose d'assez mystérieux et beau, relaté aux arts visuels et à une sorte de peinture sonore, bits sur l'écran, et algorithmes.

A propos du CD n-gone, Jean-Jacques Birgé dit ceci:

"La partie multimédia de son CD n-gone est époustouflante et définitive. Dans le style techno, minimal et trash, c'est la quintessence de ce qu'on peut imaginer, tant pour les images que pour les sons".

La variété dans n-gone est beaucoup plus graphique que musicale, mais les différents sons subissent suffisamment de variations dans leur timing pour être agréables à écouter. Je trouve "ligne de ville" très relaxante et suffisamment intriguante pour prendre le temps de la regarder et de l'écouter.

"x-liner" est une pièce constituée de plusieurs mouvements de musique visuelle. C'est une pièce extensive; vous devriez au moins l'écouter durant plusieurs minutes. Elle est à la fois formelle mais aussi mémorablement belle dans la façon dont les graphismes et les sons minimaux sculptent harmonieusement les mouvements sonores et temporels en induisant un certain suspense.

Le mouvement des images est synchronisé avec l'audio, comme la plupart de ses autres modules. Dans l'interview ci-dessous, servovalve explique que l'une de ses préoccupations principales en tant qu'artiste-programmeur concerne "le hasard croisant la réalité... synchronicité???". Dans "x-liner", nous voyons -en partie du moins- quelque indication sur ce qu'il sous-entend par la façon dont s'opèrent les croisements visuels et audios tout en étant synchrones.

“Electrotomy” est une pièce à la fois interactive et générative. "Générative" dans le sens où elle diffère selon la façon dont elle débute ou celle dont vous y intervenez. L'intéractivité et la configuration initiale déterminent le mouvement rythmique ; c'est d'ailleurs un module essentiellement percussif. L'interactivité s'opère via la souris dans une zone située en bas à droite dans le module. Cette action change le nombre des éléments visibles dans ce module. Celui-ci doit peser tout au plus 2 Ko de graphisme et 2 secondes de son... Pas vraiment une extravagance multimédia. Mais vous obtiendrez des indications sur un certain sens de l'humour et une musique visuelle austère élaborée avec passion.

L'esthétique de servovalve semble être liée à celle d'Antoine Smitt dans son minimalisme passionné et intelligent. Mais occasionnellement on peut aussi faire un lien avec les autres artistes cités. Pour exemple voyez la relation entre "loolab" de servovalve et "Oeil Complex" de Durieu. Que vous le vouliez ou non, les yeux sont vraiment très répandus dans cet art. Nommez n'importe quel artiste.web, il y aura au moins un module ayant un rapport avec l'oeil dans son travail. Dans la loolab de servovalve, sa créature est constituée d'yeux clignotants, comme celle de Durieu. Elles sont cependant deux entités bien distinctes. Celle de servovalve est intéressante musicalement, cela n'est pas surprenant. Nous pourrions même dire qu'elle est mélodique, et elle semble aussi contenir quelques éléments aléatoires fonctionnant avec la musique et les clignements d'yeux.

Maintenant, si vous souhaitez contempler un atome musical, expérimentez "cone82" ou "cone8". Ceux-ci sont interactifs et résonnent du charme servovalvien.

Un mélange chaotique... Vous donnez la réponse dans votre question... Instinctivement, un constant allez-retour entre les mouvements soniques / graphiques et la programmation des processus de contrôle... Vérifiant systématiquement les différents résultats possibles. J'essaie d'utiliser l'ordinateur comme s'il était un diffuseur audio chaotique, et non comme un outil sonore servant à enregistrer des morceaux... La programmation est donc la partie ultime du travail...

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La construction / production d'un "cd audio infini" diffusé par l'ordinateur. Le nom du projet est N8... Bientôt plus d'infos sur :
http://www.servovalve.org/cd/n8/